Durée : 3 ans (2024-2027) - avant le 31 mars 2024 !
Laboratoires d’accueil :
Encadrants : Damien Violeau (EDF-R&D LNHE-LHSV), Michel Benoit (EDF-R&D LNHE-LHSV), Anne Dutfoy (EDF-R&D PERICLES), Marc Andreevsky (EDF-R&D LNHE-LHSV).
Directeur de thèse : Damien Violeau. Co-directeur de thèse : Michel Benoit.
Cette thèse s’inscrit dans l’objectif général d’améliorer les estimations des niveaux marins hauts les plus extrêmes associés à de grandes périodes de retour en zone côtière afin de maîtriser les risques de submersion côtière et d’inondations éventuelles d’infrastructures et de zones côtières en cas d’évènement de tempête extrême. Ces niveaux marins extrêmes résultent de la conjonction d’un niveau de marée élevé, notamment au moment de la pleine mer (PM) et d’une surélévation du niveau moyen de la mer due à des effets atmosphériques, appelé « surcote météorologique ».
Parmi ces surcotes météorologiques observables, on trouve les « surcote de pleine mer » qui sont la différence, en un lieu donné, entre la hauteur de PM observée et la hauteur de PM prédite, appelée marée de pleine mer astronomique. Les instants d'occurrence de ces deux niveaux peuvent être décalés dans le temps (voir Figure 1). La surcote / décote instantanée est la différence, à un instant t, entre la hauteur d'eau observée et la hauteur d'eau prédite à cet instant. La surcote / décote a principalement une origine météorologique : elle est générée, lors du passage de dépressions ou d'anticyclones, par les variations de pression atmosphérique et par l’action du vent à la surface de la mer (le « setup » dû au déferlement des vagues peut avoir aussi une influence).
Figure 1: illustration d’une surcote de pleine mer (« skew surge » en anglais). En rouge, la marée observée en un lieu donné (par exemple à l’aide d’un marégraphe) en fonction du temps, en bleu la marée astronomique (prédictible) au même lieu.
Un niveau marin de PM Npm est donc la résultante de la somme de 2 termes :
Npm = Na + Spm (1)
où :
Lors d’une tempête, le vent en général venant du large pousse les masses d’eau vers la côte engendrant ainsi une élévation du niveau marin par rapport à son niveau prédit et, par ailleurs, la dépression atmosphérique qui accompagne la tempête applique une force moindre de l’atmosphère sur l’océan et augmente ainsi encore le niveau marin. Lors de très grandes tempêtes (comme celle de 1953 , voir Figure 2), le risque de submersion d’une partie des côtes est donc possible.
Figure 2 : carte d’analyse du 31 janvier 1953 à 07 h locales, avec le centre dépressionnaire principal (D7) situé dans la partie nord de la Mer du Nord. On observe une dépression secondaire qui se creuse au sud de l’Islande. Sources : tempetes.meteo.fr.
Les principes et règles appliqués à la protection des centrales nucléaires de bord de mer contre le risque d’inondation marine externe ont été complétés à plusieurs reprises depuis leur conception. Ils tiennent compte de l’évolution de l’état de l’art sur ce thème et du retour d’expérience à la suite d’un certain nombre d’évènements, par exemple les tempêtes Lothar et Marin de fin décembre 1999 ayant provoqué une inondation partielle de la centrale du Blayais dans l’estuaire de la Gironde, ou encore le tsunami à Fukushima au Japon (évènement sismique et non météorologique) en 2011 (voir Figure 3 ci-dessous).
Figure 3: à gauche, la centrale de Blayais après la tempête de 1999. A droite, la centrale de Fukushima au moment du début de l’impact du tsunami de 2011.
Le guide de l’Autorité de Sûreté Nucléaire n°13 (ASN, 2013) sur les protections des installations nucléaires de base contre les inondations externes, définit les caractéristiques des tempêtes dimensionnantes pour lesquelles les centrales de bord de mer doivent être résilientes. Ces caractéristiques définissent plusieurs variables dont le niveau marin Npm de PM qui est atteint lors de ces tempêtes.
Ce niveau marin Npm de PM est défini comme la somme des 3 termes suivants :
Npm = PHMA + BS70%(S1000) + M (2)
Où :
Pour garantir la sûreté nucléaire vis-à-vis des inondations pour les centrales de bord de mer, le deuxième terme « BS70%(S1000) » doit être estimé au mieux. Une estimation précise assure, en effet, une protection réglementaire et optimale des installations tout en minimisant le coût de construction des ouvrages de protection. Cette estimation est un des éléments qui permet aux ingénieurs de dimensionner les digues et les protections nécessaires d’une plateforme nucléaire ou de vérifier que les protections existantes sont suffisantes pour garantir la sûreté. Ces vérifications ou re-vérifications se font réglementairement tous les 10 ans environ.
Néanmoins, l’estimation précise d’une surcote de PM particulièrement extrême, c’est-à-dire associée à une période de retour très grande (par exemple 1000 ans), est un exercice d’extrapolation statistique difficile, étant donnée la durée limitée des chroniques d’enregistrement, de l’ordre de quelques dizaines d’années en général. Dans ce cadre, l’analyse fréquentielle régionale des surcotes marines de PM extrêmes est une solution élégante et scientifiquement robuste, car l’estimation des surcotes extrêmes pour un site donné est réalisée à partir de statistiques sur un grand nombre d’observations issues de plusieurs marégraphes d’une région identifiée comme statistiquement homogène (c’est-à-dire une région constituée de plusieurs systèmes d’observation permettant de générer des séries de surcotes que l’on peut considérer, à la suite de différents tests, comme issues de processus aléatoires associés à des lois de probabilité similaires). Le principe de l’analyse fréquentielle régionale remonte aux années 60 et a été proposé par Dalrymple (1960) et l'approche a été développée par Hosking et Wallis (1997). Ce type d’analyse se distingue en particulier d’une analyse locale dont les calculs sont effectués à partir d’observations issues seulement d’un seul site.
A l’heure actuelle, la R&D d’EDF réalise des analyses statistiques régionales pour estimer les surcotes de pleines mers associées à de grandes périodes de retour. La méthode utilisée a été développée à la R&D d’EDF depuis 2011 (Bernardara, 2011) et se base maintenant sur les thèses de Jérôme Weiss (2014b) et de Roberto Frau (2018). Parmi les données de surcotes de PM récoltées sur lesquelles les statistiques sont effectuées, on trouve très majoritairement les surcotes enregistrées régulièrement et issues de l’analyse des enregistrements marégraphiques, ainsi que ce qu’on appelle, les « surcotes historiques », en quantité plus réduite, mais dont les valeurs en général grandes sont utiles à la sûreté : elles ont en effet tendance à « pousser les extrapolations statistiques vers le haut ». Le guide ASN 13 avec lequel EDF doit être en conformité, demande d’ailleurs de les prendre en compte (p. 29/44), comme l’indique cet extrait : « Les valeurs des surcotes historiques sont inventoriées et prises en compte dans l’étude statistique. ».
Il faut savoir que les données « historiques » se distinguent des données usuellement exploitées que sont les données « systématiques » enregistrées par les marégraphes : les données historiques sont, en effet, des données reconstituées à partir de diverses sources d’information (archives, registres paroissiaux, témoignages, presse…, (Regnier, 2017)) dans le but de produire une valeur quantitative d’un évènement non directement mesuré. Ces surcotes sont en général calculées (Athimon, 2022) à partir d’une indication sur le niveau marin historique atteint lors d’une tempête d’un jour particulier et des rétro-prédictions de marée pour ce jour et au même lieu (voir l’exemple de la Figure 4). Un certain nombre d’hypothèses sont, par ailleurs, posées pour le calcul des surcotes historiques de PM (Athimon, 2022).
Figure 4 : archives Départementales de Loire-Atlantique (référence : 365 W 124). Photo présentant un extrait d’un rapport de remise en état de digues daté du 20/10/1943 mentionnant les niveaux d’eau observés à Saint-Nazaire lors du passage des tempêtes avec submersions du 16 novembre 1940 et 16 février 1941. N.B : Ces niveaux d’eau sont confirmés par d’autres documents exhumés des archives.
Dans la littérature, plusieurs études récentes utilisent les informations historiques pour améliorer les estimations statistiques (Bulteau, 2015 ; Frau, 2018 ; Hamdi, 2015 ; Hamdi, 2018 ; Saint-Criq, 2022). Néanmoins, des incertitudes existent concernant les surcotes de PM, qu’elles soient historiques (Athimon, 2022) ou même systématiques :
Ces incertitudes, qui ne sont pas prises en compte dans les estimations statistiques actuelles réalisées par EDF, peuvent l’être via une modification de la vraisemblance de l’analyse régionale, à partir de la remarque suivante : si x0 est l’observation d’une variable x que l’on considère comme aléatoire, alors si l’estimation de x0 est incertaine et comprise entre deux valeurs x1 et x2, et si g(x) est la densité de probabilité associée à x, la probabilité p(x0) que x0 soit comprise entre les valeurs x1 et x2 vaut :
p(x0∈[x1,x2]) = ∫_x1^x2▒g(x)dx. (3)
On retrouve, entre autres, un terme similaire à l’équation (3) dans l’expression de la vraisemblance d’une analyse locale réalisée par Hamdi (2015) lorsque les données historiques sont définies sur un intervalle de valeur possible. En effet, une vraisemblance étant le produit des probabilités des observations réalisées (fonction des lois de probabilité dont les paramètres sont à optimiser), les observations incertaines, c’est-à-dire comprises entre 2 valeurs, seront associées à une expression de type (3).
Par ailleurs, des questions se posent concernant la durée équivalente d’observation que l’on peut associer aux surcotes historiques. Cette grandeur peut être définie comme une estimation crédible de la plus grande période possible qui aurait pu permettre, à partir d’un marégraphe, l’observation, au-dessus d’un seuil de sélection d’extrêmes, uniquement de ces valeurs historiques (et aucune autre). Cette durée équivalente d’observation, qui peut être plus ou moins conservative selon les hypothèses utilisées, comme celle de Frau (2018) très conservative ou encore celles de Hamdi (2015) moins conservative, a aussi un impact sur l’écriture de la vraisemblance à optimiser de l’analyse fréquentielle régionale.
Enfin, il est possible de construire une vraisemblance V à optimiser de l’analyse régionale en incluant, non seulement les surcotes de PM, mais aussi des niveaux marins historiques de PM. On utilise pour cela le fait que la probabilité associée aux processus de niveaux marins de PM peut être calculée à partir de la loi de probabilité des surcotes de PM convoluée par l’histogramme de la densité des marées de PM théoriques (voir par exemple Andreevsky (2014)). Par ailleurs, des incertitudes existent aussi sur les valeurs de ces niveaux marins historiques de PM et sont fonction des hypothèses qui permettent leur calcul.
On peut alors définir, pour l’analyse régionale, cette vraisemblance V comme le produit de 3 différents termes concernant chacun 3 types de grandeurs :
La vraisemblance à optimiser de l’analyse régionale a alors une expression de la forme suivante :
V(ϴ) = V1(ϴ) x V2(ϴ) x V3(ϴ) (4)
où ϴ est le vecteur constitué des paramètres de la loi de probabilité des surcotes de PM que l’on cherche.
L’étude de Saint-Criq (2022) a déjà utilisé à la fois les surcotes systématiques et les niveaux marins historiques, mais sans prendre en compte les incertitudes associées. De plus, les hypothèses sur les durées d’observation équivalentes associées aux informations historiques ne couvrent pas tous les niveaux de conservatisme possibles.
Dans ce contexte,l’objectif de cette thèse est de développer une nouvelle méthodologie pour la caractérisation des surcotes de PM de période de retour élevée en utilisant l’analyse régionale. Cette méthodologie doit permettre de prendre en compte les diverses incertitudes associées aux données, différentes hypothèses sur les durées d’observation associées aux surcotes historiques et inclure enfin les données de niveaux de mer historiques dans une seule vraisemblance à optimiser, et ceci, afin d’estimer les paramètres de la loi régionale. Le but final étant une estimation toujours plus fiable de la borne supérieure à 70% de la surcote de période de retour 1000 ans pour la sûreté de chaque site nucléaire de bord de mer sur le littoral français.
On peut envisager que le travail se composera des étapes suivantes :
Statistiques des évènements extrêmes naturels, océanographie physique côtière (marée, surcotes-décotes, etc.), connaissance de Linux et Windows, R et Python, probabilités et statistiques, anglais, autonomie et curiosité indispensable.
Les candidats doivent envoyer par email à Marc Andreevsky (marc.andreevsky@edf.fr), Anne Dutfoy (anne.dutfoy@edf.fr), Michel Benoit (michel.benoit@edf.fr) et Damien Violeau (damien.violeau@edf.fr) les documents suivants : lettre de motivation, CV, relevé de notes du Master, et les contacts (nom + coordonnées) de deux référents, avant le 31 mars 2024 !
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